26/10/2025
Vieux-Port se love sur la rive gauche de la Seine, à moins de 4 kilomètres à vol d’oiseau de Quillebeuf. Administrativement, il fait partie de l’Eure, mais se situe dans une zone à l’identité hybride, héritière des grandes heures de l’estuaire normand. C’est aussi le plus petit village des alentours : à peine 75 habitants recencés lors du dernier recensement officiel (INSEE, 2020). Mais ne vous y trompez pas : par sa situation, Vieux-Port occupe une place singulière, à la frontière entre terre, eau et forêt.
L’une des premières images qui s’imposent en arrivant à Vieux-Port, c’est cette succession de maisons basses, presque en retrait de la route, coiffées de toits de chaume authentiques. Le village compte aujourd’hui la plus forte proportion de chaumières de tout le département ! Ce patrimoine bâti, fragile et précieux, fait l’objet d’attentions particulières. Plusieurs demeures sont référencées à l’Inventaire Général du Patrimoine Culturel (POP Ministère de la Culture).
Arpenter le bourg, c’est se plonger dans une ambiance d’autrefois sans jamais verser dans la carte postale figée. Ici, jusqu’aux remises, aux anciens séchoirs à filets, tout rappelle l’activité portuaire et la symbiose avec la Seine. Plusieurs maisons affichent les traces du grand verglas de 1997 – un hiver mémorable dont les habitants aiment encore raconter les péripéties.
Impossible de manquer la petite église Saint-Martin, dont la tour carrée domine encore modestement le village. L’édifice actuel date principalement du XIe siècle mais a été modifié jusqu’au XIXe siècle. Admirez son clocher en bâtière couvert d’ardoises, ses murs en silex et grès, et surtout ses vitraux, restaurés dans la pure tradition normande.
On oublie souvent que Vieux-Port fut pendant des siècles un point stratégique du commerce sur la Seine. Il hébergeait un port en eau profonde : jusqu’au XIXe siècle, gabarres et chalands y chargeaient bois, osiers et produits agricoles. Aujourd’hui, la rampe d’accès au fleuve est l’un des rares vestiges de ce passé, mais la vue qu’elle offre à marée haute comme à marée basse mérite le détour.
Discret, le lavoir communal n’en reste pas moins emblématique. Restauré par les habitants, il rappelle que le linge se lavait ici toute l’année, jusqu’aux années 1950. Les anciens du village se souviennent de l’eau tiède même en plein hiver, grâce aux résurgences de sources.
Sa petite superficie n’empêche pas Vieux-Port d’offrir une diversité de paysages remarquable. Plusieurs circuits pédestres partent du bourg, longeant tantôt les marais, tantôt les berges sauvages du fleuve, occasion idéale pour s’offrir une pause totalement dépaysante.
Le point d’orgue du village, c’est la vue spectaculaire sur l’estuaire, à l’endroit même où la Seine commence à s’ouvrir et à prendre son large. Les alternances de lumière, de brumes, et le ballet incessant des oiseaux, fascinent à toute période.
La commune est inscrite en partie en zone Natura 2000, reconnue pour la qualité de ses milieux humides et de ses roselières. Ornithologues amateurs, ouvrez l’œil : spatules, aigrettes, migrateurs de toutes plumes font étape ici au fil des saisons (source : Ligue de Protection des Oiseaux - LPO).
Moins connu, mais tout aussi marquant : Vieux-Port a joué un rôle lors de la Seconde Guerre mondiale. Occupé par l’armée allemande, il subit plusieurs bombardements (notamment en juin 1944, lors de la préparation du débarquement en Normandie). La résistance locale organisait des passages clandestins à travers la Seine, dont il subsiste encore des anecdotes, transmises lors des Journées du Patrimoine.
Visiter Vieux-Port, c’est s’offrir une parenthèse hors du temps, entre histoire, nature et art de vivre à la normande. Mais c’est aussi une invitation à explorer la grande boucle de la Seine, dont chaque méandre recèle une nouvelle surprise : le Marais Vernier voisin (réserve naturelle exceptionnelle), les bacs pour franchir la Seine, les fêtes de villages où se perpétuent traditions et convivialité… Un territoire à vivre, à contempler, à écouter. Pourquoi ne pas poursuivre la balade jusqu’à Quillebeuf-sur-Seine, et goûter un peu plus aux secrets de l’estuaire ?