Les bateaux typiques de la Seine à Quillebeuf
1. Les gabares : bois, sel, et 3 voiles au vent
La gabare, c’est la "camionnette de la Seine" d’antan. Longue de 15 à 25 mètres, à fond plat — pour éviter de talonner dans les zones à faible tirant d’eau — cette robuste embarcation à voile transporte tout ce dont Rouen, Paris ou Le Havre peuvent avoir besoin. A Quillebeuf, les gabares faisaient escale pour charger le sel de paludiers rouennais, ou décharger les futailles de vin venues d’Espagne (utilisant la Seine jusqu’à Paris puis la Marne). Elles sont mentionnées dans les archives portuaires dès le XVII siècle (Annales de Normandie).
- Capacité : 30 à 80 tonnes
- Manœuvre : 2 à 5 personnes par équipage
- Anecdote locale : Les gabares étaient réputées pour leurs voiles latines (beaucoup plus pratiques dans les méandres de la Seine que les voilures carrées des grands navires de mer).
2. Les chalands : bêtes de somme du fleuve
Contrairement aux gabares, les chalands de Quillebeuf n’ont pas besoin de voiles : ils avancent au gré du courant… ou tirés "à la bricole" par des chevaux, depuis la rive. Ce sont les incontournables pour le transport du charbon, du bois de chauffage, de la pierre (particulièrement le "caillou de Creil" pour la reconstruction après l’incendie de Rouen, 1725).
- Dimensions : 20 à 40 mètres, parfois jusqu’à 100 tonnes
- Technologie : Fond plat, pas de quille, idéal pour les hauts-fonds
- Vie locale : Les enfants de Quillebeuf se rendaient sur la grève pour raconter qu’un chaland avait "dormi" à cause du brouillard ou des grandes marées.
3. Le bac de Quillebeuf : institution séculaire
Incontournable : le bac fait la fierté locale, et ça dure depuis… au moins le Moyen Âge ! Jadis, il s’agissait de simples barques à rames, puis de grandes "barges" à rames complétées de voiles, capables d’emporter diligences, bestiaux, voyageurs… et plus tard, charrettes et voitures. Le premier bac à vapeur apparaît ici en 1837.
- Nombre de passagers : jusqu’à 250 personnes sur les grands bacs mixtes début XIX
- Tarifs sous Louis XVI : 4 sols par piéton / 15 sols pour un cheval chargé
- Petite curiosité : "Allô Quillebeuf ? Oui, c’est le bac qui cause !" : les sonneries de cor du passeur étaient célèbres jusqu’à Honfleur
4. Brigantines, lougres, goélettes… et même des paquebots
Quillebeuf voit aussi passer, dès la fin du XVIII siècle, une étonnante variété de navires, dont certains océaniques remontaient la Seine jusqu’à Rouen : brigantines anglaises, goélettes flamandes, lougres normands ou même—à la Belle époque—paquebots à roue se dirigeant vers Le Havre. Des "vapeurs" effectuaient, dès 1836, la navette Paris-Honfleur ou Rouen-Le Havre avec escale à Quillebeuf (Source : BNF Gallica).
- Spécificité locale : Les grands navires océaniques devaient s’arrêter à Quillebeuf pour prendre un pilote local, spécialiste de la navigation "haute Seine". Ces pilotes étaient les plus recherchés du fleuve, détenteurs d’un savoir ancestral sur les bancs de sable et les courants
- Faits marquants : Le "Ville de Dieppe", paquebot à aubes, transporta ici les premiers touristes du XIX siècle (fréquentation : 8000 passagers/an dès 1850)