Quand les confréries et associations font vivre les traditions à Quillebeuf-sur-Seine

30/09/2025

Des confréries au cœur de la vie locale

Quillebeuf a ceci de particulier : malgré sa petite taille (moins de 1 000 habitants ces dernières décennies), elle a su préserver – voire relancer – un tissu de confréries et d’associations dédiées à la défense du patrimoine, des savoirs locaux ou tout simplement de la convivialité villageoise.

Depuis le Moyen Âge, la Seine et son port créent un brassage étonnant de voyageurs et d’artisans. Plusieurs confréries y voient le jour – parfois centrées sur la religion, parfois sur des métiers. Ce modèle, bien normand, a évolué mais perdure.

  • La Confrérie des Pèlerins de Saint-Jacques de Compostelle, dont Quillebeuf fut une étape sur la voie jacquaire du littoral, préserve la mémoire des siècles de passage de pèlerins et leur hospitalité légendaire.
  • La Confrérie de la Marmite de Quillebeuf (créée en 1983), célèbre chaque automne la soupe de poisson, héritage direct des cuisines de mariniers, et organise « les Marmitades » où petits et grands se retrouvent pour cuisiner ensemble au bord de l’eau.

Plus récemment, on compte des associations à vocation culturelle ou de sauvegarde, telles que l’Association des amis du vieux Quillebeuf, qui propose des visites guidées, défend le patrimoine bâti (chapelles, bacs, phares) et collectionne anecdotes, vieilles photos, et chansons locales.

Pourquoi tant de confréries ici ? Un trait normand, un atout de village-port

La région Seine-Eure connaît depuis longtemps ce foisonnement d’associations, de sociétés de secours et de groupes francs. Historiquement, les ports de l’estuaire (Quillebeuf, Honfleur, Le Havre, Harfleur) nécessitaient une organisation de solidarité : défense commune contre les périls du fleuve, appui aux familles de mariniers, fêtes collectives rythmaient le calendrier.

  • Quillebeuf fut l’un des premiers ports français dotés d’une capitainerie dès le 13 siècle.
  • Le rôle du bac de Quillebeuf : institution locale depuis le 15 siècle, il a favorisé l’éclosion de liens entre les deux rives et d’un véritable esprit communautaire.

Cette culture du collectif, qui se retrouve aujourd’hui dans une quinzaine d’associations actives (sportives, culturelles, sauvegarde…), contribue à animer le bourg toute l’année, loin de l’image du village assoupi.

Fêtes, foires et rituels : le temps retrouvé

La transmission des traditions tient avant tout à la capacité de les faire vivre ensemble. À Quillebeuf, c’est une histoire de calendrier, d’attente, de retrouvailles autour d’événements qui mêlent habitants de toujours et curieux de passage.

  • La Fête de la Saint-Louis : plus ancienne fête locale, héritée d’un passé royal (Louis IX aurait financé des œuvres à Quillebeuf), elle mêle procession sur la Seine, bénédiction des bateaux et repas de pêcheurs.
  • La « Marmitade » de la Confrérie de la Marmite : concours de soupe où s’affrontent recettes secrètes, retrouvailles sur le quai, marché de produits locaux.
  • Foire des Vieux Métiers, où ferronniers, charpentiers, sculpteurs sur bois retrouvent gestes ancestraux devant le public et expliquent leur savoir-faire, souvent jalonné de petites anecdotes normandes (« Tu vois, la quenouille, chez nous, c’était aussi pour tresser les filets à crevettes… »).

Lors de ces manifestations, les confréries jouent les médiateurs : elles portent les bannières, commentent les défilés, racontent « les anciens temps » – tout en invitant les jeunes à enfiler un costume, à tenir la louche, à oser monter sur scène pour une saynète ou un chant traditionnel.

La transmission en actes : des savoir-faire partagés

Si le folklore a parfois mauvaise presse, ici, il s’agit bien de transmission vivante. Comment cela prend-il forme ?

  • Ateliers culinaires : la soupe de poisson ou la dorade fumée du coin ne s’improvisent pas. Les anciens de la confrérie assurent la relève : découpe de l’anguille, préparation du bouillon, choix et dosage des aromates. Celui qui a vu une « disputade » autour de la meilleure recette de pain perdu comprendra la vigueur de ces débats !
  • Navigation sur la Seine : la tradition du bac – toujours en service – se nourrit d’anecdotes transmises entre générations de passeurs. Les associations de défense de la flotte traditionnelle organisent des promenades commentées et des initiations, où l’on apprend le vocabulaire des bords de Seine : « quillebeufier », « caloge », « cordelle »…
  • Sauvegarde du patrimoine oral : depuis 2016, plusieurs collectes de récits, de chansons et de souvenirs locaux ont été menées par l’Association des amis du vieux Quillebeuf (écoute libre lors de la Nuit européenne des musées 2022 : source Musée de la Marine de Seine, Quillebeuf).

Un trait d’union entre générations… et nouveaux habitants

Ce qui frappe à Quillebeuf, c’est que la transmission des traditions n’est pas réservée aux « vieux de la vieille ». Bien au contraire, de nombreux bénévoles arrivés récemment participent à la redécouverte de ces usages. Plusieurs familles venues s’installer pour « changer de vie » rejoignent confréries et associations, et apportent d’ailleurs leurs propres façons de faire, mêlant parfois recettes normandes et idées du Sud ou d’ailleurs.

Un signe ? Lors de la dernière foire de la Saint-Louis, 30 % des bénévoles impliqués étaient installés à Quillebeuf depuis moins de cinq ans (source : France Bleu Normandie). Les enfants du village sont, eux, sollicités dès l’école : le partenariat avec la classe élémentaire locale permet d’initier les plus jeunes aux danses traditionnelles, au parler du cru et aux légendes de la Seine.

Des familles citent souvent l’accueil de la Confrérie de la Marmite (insigne remis lors de la première participation aux Marmitades) comme un moment-clé de leur « adoption » locale.

Des rendez-vous à ne pas manquer pour vivre ces traditions

  • Fête de la Saint-Louis : chaque 3 week-end d’août, procession, spectacle de son et lumière, bénédictions des bateaux. Libre accès à la plupart des manifestations.
  • Marmitade : octobre, concours de soupe de poisson sur les quais. Billet de participation à acheter sur place.
  • Expositions des Amis du Vieux Quillebeuf : salle municipale, printemps et automne, entrée gratuite.
  • Portes ouvertes sur le bac : nombreuses éditions entre avril et octobre, souvent accompagnées d’ateliers-découvertes pour les familles.

Préparer sa visite et entrer dans la ronde des traditions

  • Pensez à contacter l’office de tourisme Seine Normandie Agglomération (SNA) pour connaître les dates des manifestations (www.tourisme-seine-eure.com).
  • Les associations disposent aussi de pages Facebook (Confrérie de la Marmite, Amis du vieux Quillebeuf) où programmations et informations pratiques sont régulièrement publiées.
  • Les groupes acceptent volontiers coups de main ponctuels ou inscriptions à l’année, même pour ceux venus « en voisins ».

La vie locale comme signature d’un tourisme différent

Ici, le « cœur de village » n’est pas qu’un slogan. Les confréries, portées à 80 % par des bénévoles (source : Mairie de Quillebeuf-sur-Seine), renouvellent tout au long de l’année une vitalité que l’on croyait parfois menacée par la désertification rurale. Au fil des rendez-vous et des expériences partagées, elles offrent aux visiteurs de passage ou aux nouveaux venus une clé d’entrée rare sur l’âme de la commune.

Savourer une soupe de poisson sur le quai, échanger un souvenir de bac avec un ancien, apprendre quelques mots du parler de la basse Seine : autant d’expériences simples, mais qui font la différence. À Quillebeuf-sur-Seine, la tradition n’est pas figée en vitrine – elle se murmure, se chante, se cuisine ou s’invente, ensemble, au fil de l’eau.

En savoir plus à ce sujet :